Chapitre 9 : la tristesse de Georgette

Georgette n’a pas le moral : elle bourdonne de long en large, surveille le travail de la ruche sans trop de conviction, et soudain est énervée de voir des mâles regarder et se moquer de jeunes ouvrières en train de les nourrir, pendant que d’autres copines nettoient les studios hexagonaux et balaient la ruche avec leur nouveau balai B.Cédar.

 

« Vous allez partir d’ici très vite, espèces de fainéants ! crie-t-elle. D’ailleurs c’est bientôt le moment de sacrer une nouvelle reine qui aura besoin de nouveaux faux bourdons jeunes et virils, donc surtout pas vous....

- Ah bon ? Maya 17 va bientôt nous quitter ? intervient Minidoubs. C’est pour cela que tu as le cafard ?

- Oui ! Elle est plus âgée que nous, alors il lui faut laisser la place à une nouvelle Reine, mais une grande partie d’entre nous partira avec elle car on ne veut pas l’abandonner. Alors ici,  une nouvelle colonie naîtra… Eh oui ! C’est la vie…

- Au fait ! J’ai entendu plusieurs fois dire ‘’ faux bourdons ‘’. Il y en a donc des vrais ?

- Oui ! Mais ils ne vivent pas avec nous, ils dorment dehors dans des trous, chacun chez soi, pas forcément toujours au même endroit.

- Ce sont en quelque sorte des SDF…

 

 

- Oui !… Mais nous ne sommes pas en mauvais terme avec eux, au contraire, ils butinent les fleurs mieux que nous, ça nous aide d’ailleurs à passer après eux par des trous qu’ils ont percés.

Ils sont très courageux et participent aussi à la po-po-li… enfin tu connais le mot.

- Alors pourquoi ne les hébergez-vous pas ici ?

- Ils sont trop gros, ils ne pourraient pas entrer dans les alvéoles, et puis leurs ailes sont très petites alors ça ne nous convient pas, il faut de grandes ailes pour aérer la ruche…. D’ailleurs, je me suis toujours demandée pourquoi ils peuvent voler aussi lentement sans se casser la figure… Approche-toi !… Je vais te confier un secret, garde-le donc pour toi.

- Une tombe !…

- J’ai eu une courte liaison avec Jean-Pierre, un vrai bourdon, un beau mâle très costaud, un peu le genre David Douillet chez les humains, toute proportion gardée, bien sûr. Ah !… Il était grand, il était beau, il sentait bon le pollen chaud, mon cher Jean-Pierre.

Mais cela n’a pas duré, c’est contraire à notre loi.

- Tu n’as pas eu… Enfin… Tu n’as pas ?…

- Non ! Je n’ai pas pondu. Cela aurait été la honte de ma vie. Hélas, je ne l’ai jamais revu…

- Il paraît que, parfois, ça se passe comme ça chez les humains…

- Revenons à nos mou…  Je veux dire : nos abeilles !… Notre reine va prendre sa retraite, alors, quand elle aura reçu ses papiers administratifs, elle quittera cette bâtisse 17. Nous partirons avec elle, sauf les nouveau-nés, et nous formerons un grand groupe, on appelle ça un essaim, et nous chercherons un coin à l’abri dans un arbre.

Alors nous ferons des prières adressées à Superbourdon, notre Dieu, pour qu’un couple d’humains nous trouve et nous permette de fonder une nouvelle colonie dans un nouveau bâtiment à ossature bois et toiture unique. Avec de la chance, ce sera peut-être Serge et Nadine du rucher des 800.

- Alors je comprends ta tristesse et ton angoisse mêlée d’espoir, d’ailleurs j’en ai les larmes aux yeux, excuse-moi !… Mais que deviendront ces bébés abandonnés ?

- Tout est prévu : avant de partir, nous nommerons une nouvelle Reine… Voyons ! Que penserais-tu de Mayabis 17 ? Ou bien Mayabis, tout court, c’est mieux, pas vrai ?… Et j’y pense : elle sera encore trop jeune pour régner, alors Minidoubs, que penserais-tu d’être nommé Régent du royaume ?

- Peux-tu m’apporter un siège, s’il te plait Georgette, je ne me sens pas très bien avec toutes ces émotions… »

 

 

À suivre chapitre 10 : Le sacre de Mayabis